Folio 6 : L'Annonce aux Bergers
Le livre des Psaumes est au cœur de la spiritualité médiévale. De très grands exemplaires commencent assez tôt à introduire le texte par des cycles christologiques de préface. Il semble que ces cycles se soient développés à partir de la lecture exégétique qui interprète les psaumes comme une préfiguration de la vie du Christ, de sa mort et de sa Résurrection. Cette lecture se base d'ailleurs sur une phrase prononcée par le Christ lui-même « il faut que s'accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes « (Lc 24, 44). Cette imagerie vivante favorise ainsi la dévotion et la méditation durant la lecture du texte.
Ces huit folios sont aujourd'hui séparés de leur texte d'origine mais ils formaient sans doute un cycle de préface. Ils furent conservés un temps dans la collection de Sir Robert Cotton (1571-1631). Cotton les a manifestement lui-même fait relier ensemble avec un exemplaire anglais rare du Heliand, poème du IXe siècle dans lequel les quatre Évangiles sont combinés en un seul récit rédigé en vieux saxon (aujourd'hui BL, MS Cotton Caligula A. VII). Les feuillets furent retirés de ce volume en 1931. En raison de ces manipulations, la provenance des feuillets reste incertaine et très débattue, fluctuant encore entre le Danemark, l'Allemagne, le Nord de la France ou encore les Flandres. Sur le plan stylistique, leurs enluminures présentent des similarités avec certains manuscrits produits à Saint-Amand. Les figures sont travaillées en épaisseur, avec une prédominance des couleurs primaires et un usage récurrent du cerne noir pour les silhouettes et pour les plis des drapés. Les personnages se détachent sur un fond d'or poli, estampé et imprimé de motifs en forme de diamants et de spirales végétales.
Extrait de "Enluminures médiévales, Chefs d'oeuvre dela Bibliothèque nationale de France et de la British Library, 700-1200", Charlotte Denoël et Kathleen Doyle, BNF Editions, 2018, p. 155