Au haut Moyen Âge, le psautier remplissait, en plus de sa fonction essentielle dans les offices des monastères, celle de livre de prières privé. Aux XIIe et XIIIe siècles, nombre de livres de psaumes illustrés furent confectionnés à l'intention de laïcs fortunés, en particulier des femmes.
Le psautier de Fribourg comprend un calendrier (fol. 2r à 7v), qui se poursuit par un important cycle de miniatures, la première représentant l'arbre de Jessé, suivi des moments de la vie de saint Jean Baptiste, puis de ceux de la vie de Jésus jusqu'à sa Passion et au Jugement dernier, pour s'achever par une image du Christ trônant en majesté (fol. 8r à 16v). Sur la page en regard de ce Christ, le texte du premier psaume, Beatus vir, s'orne d'une grande lettrine (fol. 17r). Le texte des psaumes est suivi par celui des cantiques et des principales prières bibliques (Benedictus, Te Deum, Magnificat, Nunc Dimittis), des deux professions de foi (Credo et Quicumque vult) et des litanies. Si certains des saints mentionnés dans le calendrier et dans les litanies correspondent à ceux que l'on rencontre dans les diocèses de Constance et d'Augsbourg, le psautier se réfère aussi à sainte Odile (13 décembre), particulièrement vénérée en Alsace, ainsi qu'au saint cistercien Bernard de Clairvaux (20 août). On ne peut cependant en tirer aucune conclusion claire. En effet, dans les psautiers destinés à des laïcs fortunés, le choix des saints reflétait souvent davantage des préférences personnelles que les coutumes liturgiques d'un diocèse ou d'un ordre.
Quoi qu'il en soit, le fait qu'au XIIIe siècle ce psautier a dû être la propriété d'une femme est notamment attesté par les terminaisons féminines de plusieurs prières, lesquelles sontde plus rédigées en langue vulgaire, ce qui confirme un usage par des laïcs.
Le cycle de dix-huit miniatures présente un véritable intérêt iconographique. La plupart des pages sont divisées en deux registres, si bien que les thèmes illustrés sont au nombre de trente1. Les images sont traitées en couleurs vives, des lignes noires appuyées venant souligner les contours et les principales formes de la composition. Outre ces miniatures, le psautier comporte de riches lettrines. Elles apparaissent étroitement apparentées à celles en usage dans des manuscrits d'abbayes cisterciennes du sud de l'aire germanique, en particulier celle de Pairis en Alsace, comme le montre la comparaison avec un antiphonaire en deux volumes, daté des années 12203. En plus des enluminures, on remarque aussi des déchirures du parchemin, recousues de façon décorative avec des fils de soie colorés - une association entre réparation et ornement que l'on retrouve par ailleurs dans des manuscrits de Weingarten.
Plusieurs influences se sont ici combinées pour donner son harmonie et sa cohérence à ce riche manuscrit. Bien que l'on ne dispose pas d'autre ouvrage illustré provenant de l'abbaye de Pairis, il est tout à fait plausible que ce psautier ait été fabriqué dans ce monastère cistercien ou dans son environnement immédiat.
A. W.
Extrait de "Strasbourg 1200-1230 : La révolution gothique"
catalogue de l'exposition au Musée Historique de Strasbourg
Traduit par J.-L. M.